Rendez-vous immanquable du Festival de Cannes, le Cinéma de la Plage propose chaque soir une projection sous les étoiles et en accès libre. Cette année l’évènement est associé à la section Cannes Classics, avec des avant-premières de versions restaurées, comme celle du film Grease. Une séance anniversaire en présence, s’il vous plait, d’un John Travolta très en forme.
« Je crois que vous avez battu un record ce soir. »
22h, plage Macé. Le délégué général du Festival de Cannes Thierry Frémaux n’en revient pas. Posés sur des transats ou à même le sable, des centaines de cannois et de festivaliers attendent de plus en plus impatiemment le début de la séance. L’objet de leur désir ? Un film culte : Grease. La comédie musicale célèbre cette année ses 40 ans, et une fête digne de ce nom s’imposait sur la Croisette. Projeté en version restaurée 4K dans le cadre de Cannes Classics, un film aussi populaire ne pouvait que rameuter les foules, et ce malgré une température bien fraîche. Surtout quand John Travolta s’invite à la fête.
« Grease, c’est le mythe ! » Tiphaine est déjà venue quelques jours plus tôt au Cinéma de la plage pour découvrir Black Panther et Le Grand Bleu. Cette fois la jeune fille de 19 ans a réussi à convaincre deux nouvelles amies de l’accompagner. « C’est mon film préféré depuis le collège. Cette soirée, c’est immanquable ! ». Et malgré les deux heures d’avance, la bande de copines n’aura pas droit aux transats et plaids fournis par l’organisation du Festival, tous déjà pris d’assaut. Sorti en 1978, le succès de Grease, adaptation d’un show déjà populaire à Broadway, ne s’est jamais démenti. Des chansons légendaires que connait par cœur Marie. La trentenaire a adopté le look des Pink Ladies pour cette projection bien spéciale. Boucles d’oreille en forme d’étoile et bomber rouge sur les épaules, ses yeux s’illuminent à l’arrivée de John « Danny Zuko » Travolta sur la scène, au rythme de Summer Nights : « C’est quand même un rêve de voir le film dans ces conditions, avec John Travolta en plus ! »
Un Travolta heureux d’être là, prenant le temps de signer quelques autographes avant de s’asseoir lui aussi sur un transat pour profiter du spectacle. « Grease c’est un cadeau pour moi, ma carrière n’a plus jamais été la même après le film. » Quelques heures plus tôt, au cœur du Palais des Festivals, la star est revenue sur le succès inattendu de ce teen movie musical au cours d’une masterclass. Une rencontre dans laquelle l’acteur révélé par La Fièvre du samedi soir (1978) s’est montré particulièrement sincère et accessible face à son public, se livrant avec générosité sur son rapport au métier d’acteur, ses succès comme ses échecs et ses relations avec les metteurs en scène, Tarantino en tête. « J’aime travailler avec des gens qui ont une vision claire de leur travail mais qui me laissent aussi une certaine liberté » raconte l’interprète culte de Vincent Vega. « La prise de risque reste essentielle pour moi. Interpréter des personnages très différents les uns des autres est un de mes moteurs. » Mais évidemment, quand les cinéphiles prennent la parole, Grease revient comme un sempiternel refrain, comme avec cette jeune femme du nom de « Sandy », émue de voir la star du film qui lui a donné son nom, ou ce moment où John Travolta dévoile la passion secrète de l’acteur portoricain Benicio Del Toro pour cette comédie musicale et le personnage de Danny Zuko. Telle une madeleine de Proust cinéphile, Grease est un plaisir coupable qui a traversé les générations.
La preuve avec les spectateurs du jour, venus (re)découvrir Grease en famille ou entre amis, en short ou en costumes, mais tous avec le même sourire sur le visage. Après quelques mots de John Travolta et du réalisateur Randal Kleiser face à l’auditoire, Olivia Newton-John laisse elle aussi un petit mot surprise en vidéo. La séance commence enfin. Une copie parfaite dont la restauration 4K donne notamment un nouvel éclat aux couleurs chatoyantes du long-métrage. Ultra pop, difficile de nier que Grease a contribué à poser les bases du teen movie contemporain et ses passages obligés (bal de promo, soirée entre filles, retrouvailles au dinner, dernier jour au lycée…). Sa portée sur ce public polymorphe est un symbole. Rare sont ceux qui ne chantonnent pas sur Summer Nights (“Tell me more, Tell me more…”), ou ne lèvent pas les bras en rythme avec John Travolta sur le très rock’n’roll Greased Lightning. Les passants de la Croisette s’arrêtent quelques instants pour regarder l’écran géant, surpris de voir les amours de Sandy et Danny face à la mer. Même si le froid aura eu raison de quelques spectateurs, il y a encore foule autour de la plage Macé à minuit quand résonnent enfin les premières notes de You’re the One that I Want. Les “Ouh Ouh Ouh” finissent la projection en beauté. Une soirée qui restera dans la mémoire de cette section du Festival, en espérant peut-être que John Travolta remette ça dans quelques années avec, pourquoi pas, les cinquante ans d’un autre film culte : La Fièvre du samedi soir.