Du 9 au 17 novembre, rendez-vous à Amiens pour la 38ème édition du festival du film d’Amiens (FIFAM). A un peu plus d’une heure de Paris, vous aurez affaire au meilleur du cinéma de patrimoine international : intégrale Barbet Schroeder en sa présence ; focus sur le polar mexicain ; hommage au cinéaste burkinabé Idrissa Ouadraogo, l’un des réalisateurs les plus emblématiques du continent africain ; les 50 ans de mai 68 ; et, bien sûr, la commémoration du centenaire de la fin de la Grande guerre, en cette région particulièrement marquée par 14-18. Sans compter une compétition officielle, des rendez-vous avec des professionnels. Action !

En cette année 2018, le festival ne pouvait pas manquer le cinquantenaire de Mai 68. Symbole d’un profond changement de la société française le souffle de 1968 s’est traduit par de nombreuses représentations visuelles. Dans le cadre d’une programmation Souffles planétaires de 68, le festival donnera l’occasion de redécouvrir de nombreux documentaires qui font état des utopies et expériences concrètes alors en cours, ainsi que deux œuvres phares : la fresque de Chris Marker Le Fond de l’air est rouge (1977) ; et surtout, un film rare, la première adaptation du livre d’Henri Alleg La Question, sur les tortures en Algérie, de Mohand Ali Yahia.

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Le Fond de l’air est rouge, de Chris Marker (1977)

Autre événement immanquable pour le FIFAM cette année : la commémoration du centenaire de la fin de la Grande Guerre, (thème auquel le nouveau numéro de Revus & Corrigés a consacré un dossier : 1918 – Filmer un monde nouveau). Le chef d’œuvre d’Abel Gance, J’accuse, (1919), sera projeté, accompagné au piano par Karol Beffa. Autre figure du conflit célébrée par le festival : Clémenceau, à travers deux essais filmiques, réalisés d’une part par Henri Dimant-Berger, du vivant et avec le Tigre en 1928, et d’autre part, par son fils Jérôme en 2014, qui revient sur tournage du film de 1928, avec Michel Bouquet.

Idrissa OuedraogoUn hommage sera par ailleurs rendu au cinéaste burkinabé Idrissa Ouedraogo, décédé en janvier dernier. Ses œuvres Poko (1985), Tilaï (1990), Grand Prix au Festival de Cannes, ou encore Kini et Adams (1997) connurent un retentissement mondial. Preuve de son impact :  Idrissa Ouedraogo a été le seul cinéaste africain à participer au film 11’09’01 – September 11, aux côtés d’Atom Egoyan, Sean Penn ou Alejandro Inaritu. Il tourne plus d’une quarantaine de films, fictions et documentaires, pour le cinéma comme pour la TV. Le sens de l’humour et de la dérision dont il fait preuve donne la mesure de son écriture, lucide sur son temps et ancrée dans les enjeux du cinéma contemporain.

Le festival projettera une rétrospective intégrale de l’œuvre de Barbet Schroeder. Le cinéaste sera lui-même présent à Amiens les 12 et 13 novembre – occasion unique de découvrir un baroudeur du cinéma. Depuis ses premiers films, Barbet Schroeder n’a de cesse de scruter la nature humaine dans sa complexité et ses paradoxes, où qu’elle se situe, en France, aux États-Unis, en Colombie, en Afrique ou au Japon. Des films singuliers, dans lequel la fiction se mêle au documentaire, où la réalité se fait encore plus forte que la fiction. En imprimant une patte documentaire à tous ses films de fiction, et en tirant la réalité vers une fiction bigger than life, le réalisateur a tissé une filmographie unique en son genre, qui l’a amené de la Nouvelle vague aux studios hollywoodiens, en passant Bukowski et Jacques Vergès. Impressionnant parcours que celui de ce cinéaste français cosmopolite, d’origine suisse, né à Téhéran il y a plus de 75 ans, qui a fait tourner Mickey Rourke, Faye Dunaway, Meryl Streep, Gérard Depardieu, Benoît Magimel, Marthe Keller, Mimsy Farmer, Jacques Dutronc, Michael Keaton, Andy Garcia, Nicolas Cage, Jeremy Irons, Liam Neeson, Ryan Gosling ou Glenn Close – excusez du peu. Sans oublier sa muse, et compagne à la ville, Bulle Ogier. Tous ses longs métrages, fictions et documentaires, seront présentés durant le festival.

Enfin, l’édition 2018, placée sous le signe du Mexique, proposera dix classiques du film noir mexicain (ainsi que six documentaires sur le pays). Le film noir mexicain n’est pas un sous-produit du cinéma nord-américain. Comme pour le film noir français, ce genre cinématographique doit beaucoup à sa propre tradition nationale, à ses grands acteurs ou actrices, à l’état de la société au moment de sa réalisation. Pour s’en tenir aux acteurs et actrices, Maria Félix la Mexicaine tient à la perfection le rôle de femme fatale tout comme Dolores del Rio celui de l’innocence.

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La Déesse agenouillée, de Roberto Gavaldón (1947)

Bien évidemment, le Festival propose une compétition. Sous le regard d’un jury présidé par le réalisateur mexicain Émilio Maillé, la compétition officielle départagera trois catégories. Dix films sont en compétition dans la catégorie des longs-métrages de fiction, huit dans celle des longs-métrages de documentaire et trois programmes de courts-métrages de 90 minutes.

Les femmes seront à l’honneur via le cinéma d’Éliane de Latour, réalisatrice témoin des combats menés par des femmes, mais également de la rencontre avec les Femmes de la Méditerranée, mouvement qui touche les pays arabes. Les rencontres professionnelles permettront aux festivaliers d’échanger avec des professionnels sur les métiers du cinéma.

L’événement rassemble chaque année plus de 35 000 visiteurs.

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Sylvain Lefort

Co-fondateur Revus & Corrigés (trimestriel consacré à l'actualité du cinéma de patrimoine), journaliste cinéma (Cineblogywood, VanityFair, LCI, Noto Revue), cinéphile et fan des films d'hier et d'aujourd'hui, en quête de pépites et de (re)découvertes