Ces derniers mois, on n’a pas arrêté de répéter que le cinéma hollywoodien, pour les raisons que l’on connaît, était en crise. Ou tout du moins, que l’épidémie de covid avait rebattu les cartes, notamment sur la place de la salle et l’impact des plateformes. Disney comme Warner ont sorti plusieurs de leurs plus grosses productions directement sur leurs propres plateformes, Disney + (et assimilés) et HBO Max. Maintenant que les salles sont de nouveau ouvertes, un équilibre précaire a été trouvé outre-Atlantique, avec des fenêtres d’exploitation salle (le plus souvent entre 30 et 45 jours) avant la sortie en VOD. Entre- temps, le 12 avril dernier, les salles du groupe californien Arclight Cinemas et Pacific Theatres ont fermé leurs portes – dont l’emblématique Cinerama Dome de Sunset Boulevard, à Los Angeles, immortalisé une ultime fois dans Once upon a time… in Hollywood de Quentin Tarantino. Bref, il y a quelque chose qui cloche dans l’importance accordée au cinéma par la culture américaine, mais cela ne se ressent pas encore dans la production – ou tout du moins, disons que, thématiquement, les films n’évoquent pas fondamentalement un sentiment de crise. D’où l’envie, aussi, de faire écho à la situation qu’a connue Hollywood à la fin des années 1950, un effondrement du système causé par un trop-plein, un (déjà) vieux monde des images bataillant contre la télévision. Le Paramount Decree de 1948 avait préalablement ébranlé les fondations, empêchant les majors d’être à la fois producteurs, distributeurs et exploitants, dans le cadre de la loi Anti-Trust – ce serait aussi l’émergence de tout un circuit alternatif, dont les grindhouses. Cette crise de la salle de cinéma couplée aux crises de l’Amérique elle-même, particulièrement dans la décennie 1960, avec un impact colossal sur les films, visuellement et thématiquement. Hollywood se sait mourant et le montre. Et ce faisant, il crée aussi quelque chose d’un peu nouveau, sans le avoir. Pas tant le Nouvel Hollywood, qui sera presque un reboot du système, mais une version hybride, bizarroïde, boiteuse, quasiment mutante, du cinéma hollywoodien. Coincé entre deux époques, avec ce que cela a de plus beau et de plus délicat. Reste à voir si le cinéma américain que l’on connaît actuellement est lui aussi coincé entre deux époques. S’il fera, lui aussi, son Breakdown, et ce qu’on en tirera dans cinquante ans.
Remerciements à Nicolas Saada, à l’origine de ce dossier.