Dur dur d’être un indépendant. On se sent toujours le dernier. « Le dernier des indépendants », comme aime se qualifier Walter Matthau dans Tuez Charley Varrick. Ce à quoi le gorille qui le traque, interprété par Joe Don Baker, note : « Ça sonne comme une finalité… j’aime ça. » D’ailleurs, de paroles d’indépendants, on ne manque pas dans ce numéro, faisant vivre le cinéma d’animation, ainsi qu’une histoire du cinéma d’animation, au-delà des cadors qui monopolisent peut-être un peu trop l’attention et qu’on a trop commodément définis comme « populaires », comme si La Tortue rouge était de facto moins populaire que Toy Story. On a la chance, en France, d’avoir une animation indépendante florissante – paradoxalement condamnée à ne jamais ou presque être en compétition au Festival de Cannes – le premier long-métrage d’animation en compétition ne datant « que » de 1973, La Planète sauvage de René Laloux, que l’on a mis en couverture –, le plus souvent ostracisée dans ce « genre » qui n’en est pas un du cinéma d’animation. Ne pas être considéré avec le même degré d’importance.
C’est dur d’être indépendant.
Pareil quand on est éditeur, d’ailleurs. Les temps sont difficiles et il n’est pas facile de ne pas se sentir seul, de sentir « le dernier des indépendants », entouré d’indépendants qui eux aussi se sentent les derniers. Les signaux renvoyés ne sont pas toujours bons : entre le début 2021 et le début 2022, le prix du papier a augmenté drastiquement, causant une augmentation du coût d’impression d’environ 20%. En parallèle, depuis 2020, le CNC a réduit l’enveloppe d’aide annuelle dédiée aux revues de cinéma : les 88 000 euros partagés entre 13 titres (ce qui, à la fin, revient à une aide symbolique) sont devenus 64 000 euros en 2021 (dont on a perçu, en toute transparence, 3 000€, ce qui revient à moins de la moitié du coût d’impression d’un numéro). Sans doute les revues, qui font vivre la mémoire, l’hier et le demain du cinéma, n’ont pas tant d’importance que cela aux yeux de l’actuel dirigeant du CNC (et surtout face au néant absolu des politiques culturelles contemporaines), quand la vidéo sur internet perçoit annuellement des centaines de milliers – non pas que la création sur Youtube (qui paie à peine ses impôts en France) ne mérite pas d’être aidée, mais l’écart gargantuesque entre les aides en dit malheureusement long. Tant pis. On se serre les coudes entre « derniers des indépendants », et on partage nos belles victoires quand il y en a. Et puis quand même, quinze numéros. Quatre ans déjà.