Après avoir ouvert la 71e édition du Festival de Cannes, Martin Scorsese a été célébré par la Quinzaine des Réalisateurs qui lui a décerné le Carrosse d’Or 2018. L’occasion aussi pour le réalisateur de Raging Bull et Taxi Driver de revenir dans une masterclass exceptionnelle sur son travail et sa passion pour le patrimoine cinématographique, dont il contribue à la sauvegarde.
En 1974, Martin Scorsese débarquait sur la Croisette pour présenter son troisième long-métrage à la toute jeune Quinzaine des Réalisateurs. Mean Streets est l’une des sensations de cette édition, faisant changer de dimension au cinéaste qui remporte deux ans plus tard la Palme d’Or pour Taxi Driver. Il était donc presque évident que pour son 50e anniversaire, la section parallèle créée par la Société des Réalisateurs de Films décide de rendre hommage au maître américain. Un Carrosse d’Or récompensant l’ensemble d’une carrière exemplaire et une cinéphilie hors-pair, d’autant que le cinéaste oeuvre aussi à la sauvegarde du patrimoine cinématographique mondial avec sa fondation.
Un hommage exceptionnel qui a débuté par la projection de Mean Streets, 44 ans après sa présentation dans la même sélection. Moderne et toujours aussi rock’n’roll, casting légendaire (le tandem Harvey Keitel en homme droit et ambitieux / Robert De Niro en jeune chien fou), avec cette réflexion sur la dualité entre le bien et le mal qui représente la quintessence du style scorsesien. Un film important pour le metteur en scène, qui est revenu dessus pendant les vingt premières minutes de sa masterclass, rendant au passage un hommage au regretté Pierre Rissient, l’un des plus fervents soutiens du film à l’époque.
“Je veux partager le bonheur de la découverte de grands films aux nouvelles générations.” — Martin Scorsese
Si la projection avait déjà de quoi enchanter les cinéphiles, le vrai cadeau était l’heure et demie qui a suivi la projection. Une discussion passionnée et passionnante du réalisateur palmé en 1976, répondant à Jacques Audiard, Bertrand Bonello, Rebecca Zlotowski et Cédric Klapisch. Les quatre metteurs en scène avaient du mal à cacher l’admiration totale qu’ils portent sur le maître, qui a laissé un souvenir mémorable chez chacun d’eux.
Outre la genèse de Mean Streets et l’influence du milieu violent dans lequel il a grandi sur son cinéma, Martin Scorsese a longuement parlé de l’évolution de son rapport à la mise en scène et sa façon de procéder sur un plateau. Il dévoile son obsession pour le découpage, toujours très travaillé en amont, qui ne l’empêche pas de laisser une place de liberté et une part d’improvisation aux comédiens. Son travail sur Casino est un exemple parfait de lâcher-prise dans un univers formellement maîtrisé à l’extrême.
« Je ne peux me remettre de ce que le cinéma a apporté dans ma vie. Il important de sauvegarder et diffuser ces films pour que d’autres puissent aussi ressentir cela. Je veux partager le bonheur de la découverte de grands films aux nouvelles générations. »
Grand cinéphile, Martin Scorsese ne cesse de revenir sur ceux qui l’ont influencé (Kazan, Cassavetes, Truffaut…). Aujourd’hui, il cherche à transmettre l’héritage de ce patrimoine à travers la restauration de film. Un peu plus tôt dans la journée, le réalisateur est d’ailleurs venu présenter devant le public de Cannes Classics une copie restaurée du film Enamorada d’Emilio Fernandez (1946). C’est ensuite avec beaucoup d’émotion qu’il a accepté le Carrosse d’Or au son de Jumping Jack Flash des Rolling Stones. Une carrière qui continuera de s’enrichir dans les mois à venir avec la sortie de The Irishman, qui réunira de nouveau le duo de Mean Streets, Robert de Niro et Harvey Keitel.