L’intrigue
Paolo Anselmi est un homme célibataire et heureux.Il vit dans un appartement avec un ami, mais il est forcé de partir lorsque ce dernier se marrie. Il emménage alors dans une pension, où il fait la connaissance d’une jeune femme qu’il courtise. Mais il se défile lorsqu’elle lui propose un mariage. Alors qu’il rend visite à sa mère, Paolo se rend compte que celle-ci cherche aussi à jouer les entremetteuses…
Un film d’Antonio Pietrangeli
Avec Alberto Sordi, Nino Manfredi, Renato Terra
Italie – 1956
Entre néo-réalisme et comédie italienne
A chaque rentrée cinéma, sa nouvelle réédition Alberto Sordi. Après Il Boom (1963) et
Détenu en attente de jugement (1971) il y a deux ans, et Le Veuf (1959) l’année
dernière, voici venir Le Célibataire, d’Antonio Pietrangeli, sorti en 1956. Occasion de
= redécouvrir un cinéaste prématurément disparu en 1969, dont l’œuvre se situe à la lisière du néo-réalisme, de la comédie italienne et de l’existentialisme antonionien.
Malgré des succès comme Le Fanfaron, Le Pigeon, Les Monstres ou Mes chers amis – et c’est ce qu’il y a de bien dans la comédie italienne – beaucoup d’œuvres restent encore inédites dans nos contrées, ou n’ont jamais été rééditées depuis leur sortie. C’est le cas du Célibataire interprétée par l’acteur le plus génial de la comédie italienne, Alberto Sordi. Moins acide que Le Veuf de Vittorio de Sica, moins riche qu’Une vie difficile de Dino Risi, Le Célibataire n’en demeure pas moins un désopilant tableau des mœurs de l’Italie de l’après-guerre, ainsi qu’un portrait acidulé d’un séducteur à la petite semaine, plus habile à exalter son existence de célibataire conquérant qu’à la vivre vraiment. Sur un scénario signé Ettore Scola et Ruggerio Maccari, Antonio Pietrangeli établit ici un pont entre le néo-réalisme dont il est issu (scénariste d’Obsessione et de La Terre tremble de Luchino Visconti) et la comédie italienne. Il sera amené à en devenir l’un des auteurs les plus féconds avec Annonces matrimoniales (1963) et Le Cocu magnifique (1964).
Malheureusement un peu oublié, le cinéaste Antonio Pietrangeli s’est
affirmé dès son premier film Du soleil dans les yeux (1953) comme le peintre de la condition féminine, notamment dans son film le plus célèbre, le mélodrame Je la connaissais bien (1965) avec Stefania Sandrelli. Ici, à travers le portrait de ce célibataire endurci et volontaire, il livre en creux le tableau d’une Italie prisonnière de son machisme ambiant. Si les femmes n’y ont pas le premier rôle, elles font preuve d’un courage et d’une indépendance d’autant plus remarquables que le personnage masculin principal, Paolo Anselmi, se vautre dans la veulerie et la schizophrénie. Décédé accidentellement en 1969 alors qu’il tournait Quand, comment et avec qui ?, Antonio Pietrangeli ne jouit pas du prestige de Dino Risi, Ettore Scola ou Mario Monicelli – faute d’avoir pu développer jusqu’à plénitude ses talents d’observateur et de portraitiste.
Principal atout du Célibataire : Alberto Sordi. L’acteur aux plus de 200 films, décédé en 2003, est devenu un archétype de la comédie italienne, au même titre que Louis de Funès par chez nous. Hâbleur, séducteur, bavard, il incarne avec tout ce qu’il faut de cabotinage un personnage à lui tout seul, emblématique de la comédie italienne, avec ses compositions inoubliables dans On n’a pas oublié ses compositions dans Une vie difficile, Les Nouveaux monstres, Le Grand embouteillage ou dans Un bourgeois tout petit, petit). Sans toutefois atteindre la flamboyance de ses rôles les plus célèbres, il teinte ici son personnage d’angoisse existentielle. Monologues logorrhéiques, voix off, tête à tête avec son chien, tics et tocs, participent de cette tonalité qu’il poussera à son paroxysme dans le très kafkaïen Détenu en attente de jugement (1971), de Nanni Loy. Et paradoxalement, malgré le rejet que devrait nous susciter son personnage égoïste et hâbleur, Sordi parvient à en faire un être certes pitoyable, mais finalement attachant. Du grand art.
L’arrière-plan historique du boom économique et industriel de l’Italie de l’après-guerre n’est pas qu’une toile de fond. Le cinéaste livre des portraits de femmes en butte au conservatisme ambiant, dans un pays où on ne badine pas avec la religion – ne l’oublions pas : le divorce ne sera légalisé en Italie qu’en 1970. Souvent traitées sous le mode de la comédie – Mariage à l’italienne, Divorce à l’italienne – les relations hommes-femmes sont ici empreintes d’une certaine cruauté, mais aussi d’une solitude existentielle, inhérente à l’Italie du boom économique. Antonioni n’est pas si loin….
Le 5 septembre au cinéma, distribué par Camélia Films.