C’est une folie joyeuse qui s’empare de la scène du Théâtre de la Bastille, jusqu’au 4 avril. Adapté du film de Lars von Trier, Le Direktor est une comédie grinçante et exubérante, mise en scène par Oscar Gomez Mata.
À l’instar du film danois (enfin, plutôt franco-germano-italo-islando-suédo-danois, comme beaucoup de productions européenne de Lars von Trier), Le Direktor est l’histoire de Ravn, directeur d’une société d’informatique qui, pour ménager sa popularité auprès de ses employés (concrètement, éviter à tout prix de ne plus être aimé), fait croire à tout le monde qu’il n’est pas le patron, oh non, mais un simple salarié, comme eux. Des années déjà qu’il invente l’histoire d’un directeur fantôme, trop occupé pour pouvoir se rendre en personne dans son usine, qui vit très loin du Danemark, quelque part aux États-Unis d’Amérique. Sauf qu’un jour, Ravn se voit proposer une offre très juteuse de reprise de sa société par un groupe islandais. Seulement, les islandais ne veulent négocier qu’avec le vrai patron. Jamais à court d’idées, Ravn propose alors à un comédien de théâtre de jouer le rôle du boss pour cette signature. Mais tel un Jean-Claude Romand du monde de l’entreprise, il va progressivement se trouver dépassé par le faux univers qu’il a créé.
Politique du spectacle
L’histoire pourrait être tragique, mais dans la mise en scène d’Oscar Gomez Mata, c’est l’humour absurde, pas très éloigné du travail de Jean-Christophe Meurisse et des Chiens de Navarre, qui prime. Et si certaines scènes ne sont pas toujours d’une grande finesse, la talent des comédiens (tous très bons) rend l’ensemble très drôle. On retrouvait bien sûr cet humour dans le film de Lars von Trier, proche de celui des Idiots, mais le réalisme de la mise en scène provoquait souvent plus le malaise que le rire. Ici, la distanciation du théâtre comique transforme la satire ambigüe de Lars von Trier en franche comédie, quitte à lui faire perdre un peu sa substance politique.
Car si on passe un bon moment au Théâtre de la Bastille, l’envie de révolte que pouvait – éventuellement – susciter le film, est ici absente. On retrouve bien sûr ce regard acide et métaphorique sur la transition entre un capitalisme paternaliste (ou le patron est omniprésent) à un système néolibéral, ou le directeur a toujours un autre directeur au-dessus de lui, un « n+1 », dont le dernier maillon est toujours loin et absent. Mais dans ce dispositif théâtral, la satire devient parodie, et le politique se perd dans le spectacle. A moins, bien sûr, de s’offrir le temps de la réflexion. Mais le spectacle d’Oscar Gomez Mara est plus rythmé que le film qu’il adapte, et, contrairement au film, on ne s’ennuie peut-être pas assez…
LE DIREKTØR
D’après Lars von Trier
Mise en en scène d’Oscar Gomez Mata
Jusqu’au 4 avril au Théâtre de la Bastille