Pour une fois, le terme de culte ne semble pas trop galvaudé. Disparu brutalement en 2010 à l’âge de 46 ans, Satoshi Kon a laissé derrière lui une œuvre courte – 4 longs-métrages et une série TV – mais ô combien marquante et dont l’empreinte est encore forte dans le cinéma, et pas seulement d’animation (de Requiem for a Dream à Inception, on ne compte plus le nombre « d’emprunts » à ses films). Pour dresser son portrait, il aurait été facile de tomber dans l’hagiographie pompeuse ou, à l’inverse, l’exégèse absconse. Ce qu’évite parfaitement Pascal-Alex Vincent, avec son documentaire Satoshi Kon, l’illusionniste. Cinéaste, enseignant, mais aussi spécialiste et acteur important de la découverte et de la diffusion du cinéma japonais de patrimoine en France [1], Pascal-Alex Vincent choisit, pour retracer le parcours du cinéaste, un canevas en apparence classique pour le genre : remonter chronologiquement sa filmographie, et alterner extraits de ses films et intervenants. Si le casting des entretiens est impressionnant (Masao Maruyama, Mamoru Hosoda, Mamoru Oshii, Rodney Rothman, Darren Aronofsky …), Pascal-Alex Vincent laisse aussi la part belle aux images animées de Satoshi Kon, auxquels il vient subtilement superposer des instantanés filmés de la vie tokyoïte. Comme un écho à la manière dont Perfect Blue (1997), Millennium Actress (2002) ou Paprika (2006), se jouaient des frontières entre rêve, réalité et fiction. Des images ou une voix off vient glisser des esquisses d’analyses, dévoilant juste ce qu’il faut pour donner envie de (re)voir son œuvre tout en en préservant son mystère. D’ailleurs rare est la voix, rares sont les mots de Satoshi Kon lui-même, guère plus longs qu’un haïku.