Et si vous recroisiez par hasard une personne que vous avez torturé par le passé ? Et si ce passé, honteux et enfoui, ressurgissait ? C’est ce que raconte La Passagère, qui dévoile le passé de Liza, ancienne surveillante SS. Ce film inachevé et sublime de Andrzej Munk, qui ressort au cinéma chez Malavida, est un exemple parfait de comment arriver à traiter en fiction de la délicate question des camps de concentration.
Article originellement publié dans Revus & Corrigés n°17, décembre 2022.

Cinéma d'expiation

Comme La Dernière Étape, le chef-d’œuvre de Munk est en effet coécrit par une survivante des camps, Zofia Posmysz, dont l’histoire s’apparente à celle de Marta. Prisonnière politique à Auschwitz à partir de 1942, elle raconte d’abord son passé dans une pièce radiophonique polonaise, La Passagère de la cabine 45 (1959). Fasciné par ce récit, Andrzej Munk contactera l’autrice pour l’adapter en théâtre télévisé, avant qu’ils ne décident ensemble de travailler sur une version cinématographique. Le cinéaste envisage dès le départ de fabriquer des chocs esthétiques entre sa partie contemporaine et sa partie rétrospective, au-delà du texte de Posmysz. Une mise en scène toujours en gestation au moment de sa mort prématurée. Ainsi en préambule, son ami Witold Lesiwicz évoque en voix off les problématiques auxquelles fut confrontée la production pour finir le film. Quelles étaient ses intentions narratives ? Étaient-elles toutes déjà définies à ce stade du tournage concernant le personnage de Liza et son rapport au passé ? La Passagère passionne ainsi autant par sa peinture mémorielle de la guerre que par celle d’un cinéaste et de son héritage. Une double histoire à jamais gravée sur pellicule.
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