Alors que le nouveau Brad Pitt, Bullet Train, est toujours sur les écrans, Super Express 109, également connu sous le titre The Bullet Train, réalisé par Jun’ya Satō, connaît les honneurs d’une sortie vidéo en version intégrale. Produit par la Toei, ce blockbuster, mêlant cinéma catastrophe, policier, social et politique, a marqué au-delà du Japon, influençant plusieurs films d’action américains, jusqu’à en reprendre le titre.
Quand la mythique Toei (La Femme Scorpion, La Ballade de Narayama, Battle Royale) produit Super Express 109, le cinéma catastrophe américain des années 1970 connaît un succès colossal sur la surface du globe. Les meilleurs films (L’Aventure du Poséidon de Ronald Neame, La Tour Infernale de John Guillermin et Irwin Allen) côtoient des produits certes coûteux et ambitieux, mais d’une grande faiblesse artistique (Tremblement de terre, Mark Robson, 1974). La Toei, voulant se renouveler, et profiter de la manne financière que représente ce sous-genre alors dominant du cinéma d’action, se lance dans la production de films comme La Submersion du Japon (Shirō Moritani, 1973) ou Fin du Monde – Nostradamus An 2000 (Toshio Masuda, 1974). Pour Super Express 109, elle fait appel à Jun’ya Satō, réalisateur « maison » (Golgo 13, 1973).

La rencontre de trois genres
L’argument de Super Express 109 est simple : un malfaiteur piège un train avec une bombe. Cette dernière explosera si sa vitesse descend en dessous de 80 km/h, et si une rançon de 5 millions de dollars ne lui est pas versée. Pourtant, Super Express 109 est bien plus ambitieux que son synopsis ne le laisse présager. Si Jun’ya Satō remplit le contrat en réalisant des scènes imposées du genre (avec, en point d’orgue, la panique de passagers tous plus insupportables les uns que les autres), son récit se double d’une intrigue policière, ainsi que d’un drame social critiquant ouvertement le gouvernement japonais. Le film, d’une durée excessive de 2h32 (un montage de 1h40 fut exploité pour la sortie française en 1976), abuse de flashbacks à forte charge lacrymale, mais Jun’ya Satō a suffisamment de métier pour mettre le spectateur sous tension et maintenir l’intérêt. Les poursuites sont réalisées avec brio, tandis que les séquences avec le train fou, filmées en prises de vues réelles, ou avec des maquettes, impressionnent. Au point que Super Express 109, succès mondial inattendu, influence plusieurs films américains (Piège de cristal, Speed, Unstoppable).

Les acteurs, force du film
Pourtant, l’atout majeur de Super Express 109 ne réside pas dans ses séquences d’action, mais sa distribution. Ken Takakura, déjà acteur chez Jun’ya Satō (Nihon dābī: Shōbu, Golgo 13), aperçu dans des films américains (Trop tard pour les héros de Robert Aldrich, Yakuza de Sydney Pollack), est fascinant dans le rôle du terroriste Tetsuo Okita. Takakura inquiète en faisant preuve d’une grande économie de jeu (le contraire, en somme, de la prestation de Dennis Hopper dans Speed), émeut, fait pitié, en homme broyé par un système économique impitoyable. Face à lui, dans la peau du pilote du Shinkansen 109, Sonny Chiba (Les Guerriers de l’Apocalypse, Kill Bill : Volume 1) se sort avec les honneurs d’un rôle peu gratifiant et statique; tandis qu’Akira Oda, futur Ryu de la série San Ku Kaï, est parfait en jeune complice exalté d’Okita. Porté par la musique funky d’Hachiro Aoyama, sous influence du Lalo Schifrin de L’Inspecteur Harry (Don Siegel, 1971), Super Express 109 est une belle redécouverte, renvoyant à une époque où cinéma de distraction rimait aussi avec réflexion.

SUPER EXPRESS 109
Jun’ya Satō (1975)
Carlotta Films
Le 15 mars 2022
LES SUPPLÉMENTS (EN HD)
Un Express poupée russe (20 mn) : Le journaliste Fabien Mauro, essayiste et auteur de Kaiju, envahisseurs & apocalypse, revient sur l’histoire du cinéma catastrophe japonais, la production du film, le parcours de Junya Sato, les acteurs.
Gros film, grosse panique : Jun’ya Satō à propos de Super Express 109 (25 mn) : Le regretté Jun’ya Satō, mort en 2019, évoque son film et sa genèse. Il dévoile que le scénario a été bouclé en 1 mois, et que le tournage s’est effectué en 40 jours. Il confirme que les personnes ignorées par le gouvernement japonais était son sujet cible, parle du remontage pour l’exploitation française, et se pose des questions sur l’avenir du cinéma japonais.
Super Express 109 [version française] (100 mn) : Le film est présenté dans son montage diffusé en salle pour son exploitation en France en 1976.
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