Alice GUY 1

Be Natural: The Untold Story of Alice Guy-Blaché, de Pamela B. Green

Comment Alice Guy-Blaché, scénariste, réalisatrice et productrice d’un millier de films à l’époque des premiers pionniers du cinéma, à l’origine de la première histoire narrative en 1896, ayant créé plus de 150 films au son synchronisé lors de ses vingt ans de carrière, en France et aux Etats-Unis, a pu atteindre le sommet du succès avant d’être oubliée par l’industrie qu’elle a aidé à créer ? Son travail inclut notamment des comédies, westerns, drames dans lesquels elle évoque des sujets polémiques. Be Natural: The Untold Story of Alice Guy-Blaché, à mi-chemin entre l’enquête de détective et le biopic, retrace l’histoire du cinéma à travers la vie et la carrière d’Alice, racontés pour la première fois dans leur intégralité.

Etats-Unis – 2018
Cannes Classics 2018

Jane Fonda

Jane Fonda in Five Acts, de Susan Lacy

Fonda a été haïe comme Hanoi Jane, convoitée avant comme Barbarella et annoncée comme un phare du mouvement des femmes. Ce film va au cœur de qui elle est vraiment, un mélange de vulnérabilité profonde, le magnétisme et la bravoure pour montrer ce qui a alimenté sa vie inspirante, remarquable et parfois exaspérante. Né de 21 heures d’entrevues, Fonda parle franchement et honnêtement de sa vie et de ses faux pas. Elle explore la douleur du suicide de sa mère, l’indisponibilité émotionnelle de son père, 30 ans de boulimie et trois mariages à des hommes dans la lumière, mais très différents. Le film comprend également des entretiens avec la famille de Fonda et ses amis, dont Tom Hayden, Ted Turner, Robert Redford et Lily Tomlin, ainsi que des images rares de sa vie actuelle, à 80 ans.

Etats-Unis – 2018
Cannes Classics 2018 – Diffusion courant 2018 sur OCS


Figures d’émancipation féminine

Alice Guy, Jane Fonda. Deux figures de l’Histoire du cinéma. Deux femmes fortes, mais dont les parcours complexes prouvent à quel point être une femme n’est pas chose aisée dans ce milieu très masculin qu’est le septième art. La première réalisatrice de l’Histoire du cinéma et l’actrice américaine légendaire ont été mises à l’honneur par la sélection Cannes Classics 2018 avec la programmation de deux beaux documentaires biographiques. Des films qui sont aussi réalisés par des femmes, chacun portant un regard admiratif sur son sujet.

Quand Pamela B. Green, productrice hollywoodienne, entend pour la première fois parler d’Alice Guy au détour d’une rétrospective, des dizaines de questions se bousculent dans son esprit : qui était cette femme, apparemment la toute première réalisatrice au monde, et pourquoi a-t-elle été ainsi oubliée de l’Histoire du cinéma ? Pour y répondre, la documentariste se lance en 2012 dans un immense travail d’enquête pour retrouver les traces de cette femme. Huit ans plus tard, Be Natural, reprenant la devise d’Alice Guy, retrace cette investigation. Le documentaire biographique va ainsi s’approprier de manière intéressante les codes du reportage, avec une recherche dans les archives réparties aux quatre coins du globe et des discussions avec des spécialistes du monde entier. Des extraits des courts-métrages muets de la réalisatrice s’alternent avec des images inédites d’interviews télévisées de celle-ci dans les années 50/60. Le résultat est passionnant. Deux heures extrêmement denses (peut-être trop ?) qui aboutissent à une vraie demande de réhabilitation de la réalisatrice du début du siècle et dont l’influence serait à mettre aux côtés de celles des Frères Lumière ou de Méliès selon Pamela B. Green.

Alice GUY 2

Cette dernière ne cesse de souligner dans ce premier documentaire à quel point Alice Guy était en avance sur son temps : première femme à réaliser un film de fiction avec La Fée aux choux (1896), première femme à créer sa société de production avec Solax… Une féministe avant l’heure, dont l’un des premier courts, Les Résultats du féminisme (1906), utilisait déjà l’idée de l’inversion des sexes pour dénoncer les inégalités sociales entre hommes et femmes. Mais finalement, sûrement parce que femme dans un milieu masculin, Alice Guy ne peut s’imposer très longtemps. Sa carrière cinématographique s’arrête dans les années 20, au moment de son divorce et de la fermeture de son studio de production. Une carrière éclatante tombée dans l’ignorance polie du monde du cinéma.

C’est aussi ce qu’aurait pu vivre Jane Fonda au carrefour des années 70/80. C’est notamment ce qu’aborde Susan Lacy dans son documentaire consacré au parcours complexe de la star, à travers les témoignages de l’actrice elle-même et de son entourage. Jane Fonda est une icône qu’on ne présente plus. Fille de Henry Fonda, mène ensuite sa propre carrière détonante à Hollywood, doublement oscarisée (Klute en 1972, Le Retour en 1979), star des cours de gym avec ses cours-vidéos vendus à des millions d’exemplaires, l’activisme militant… Ses facettes sont multiples. Mais avant de devenir la femme libre et émancipée dont nous en avons l’image aujourd’hui, Jane Fonda a eu une vie empreinte de tristesse et de désillusion qu’elle espère encore surmonter. Divisé en cinq parties, la première du documentaire se centre sur de la figure du père, Henry Fonda, avec lequel l’actrice a eu des rapports conflictuels et qui vont finir par impacter ses relation avec les hommes de sa vie.

JAne Fonda 2

Viennent ensuite le réalisateur français Roger Vadim, l’activiste Tom Hayden et le magnat de la presse Ted Turner. Mais la partie la plus émouvante se trouve dans le dernier quart d’heure. Une ultime partie intitulée « Jane », où l’actrice parle de son émancipation face à ces hommes qui l’ont modelée chacun à leur façon et de son rapport à ses parents (père absent, mère suicidée). Sa carrière cinématographique n’est ici pas au centre, même si on peut relever de belles séquences d’On achève bien les chevaux, Klute et La Maison du Lac, qui ont une véritable résonance avec son histoire personnelle.

Deux très beaux documentaires de femmes faits par des femmes. Des parcours qui ont de quoi inspirer, montrant qu’il possible pour les femmes de s’accomplir professionnellement et émotionnellement et, surtout, qu’il n’est jamais trop tard pour faire entendre sa voix.

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