La Jeune fille à l’écho est un premier long-métrage lumineux avec lequel s’affirme la mise en scène poétique d’Arūnas Žebriūnas. Ce grand auteur d’un cinéma lituanien encore mal connu signe sans prétention un véritable petit bijou d’une splendeur incontestable et sachant faire appel à notre cœur d’enfant.

Parcourant l’horizon marin avec ce doux travelling depuis la côte, le cinéma d’Arūnas Žebriūnas nous saisit par sa beauté, son lyrisme incontestable, et nous laisse bouche bée face à la lumière qui s’en dégage. D’un plan à l’autre, celle-ci nous explose au visage et nous mène de décor en décor, explorant ce territoire fait d’eau et de terre, entre la roche et la mer, presque vierge de l’envahissante présence humaine et donc naturellement propice à la rêverie. Il y a deux ans déjà que la mise en scène magique du cinéaste lituanien avait fait son œuvre dans les salles françaises qui redécouvraient La Belle (également distribué par ED Distribution) [1]. Là-encore, dès sa première image, ce film réalisé deux ans après La Jeune fille à l’écho capturait notre regard et incitait notre imaginaire à déployer tous ses sens à l’affut des merveilles et ténèbres dont le monde recèle une fois à hauteur d’enfant.

En 1959, dans le film de commande en plusieurs parties Gyvieji didvyriai (Les Héros vivants), un cinéaste naissait. Car le tour de force d’Arūnas Žebriūnas fut d’avoir réussi à s’émanciper de la machine culturelle communiste dans une Lituanie demeurant sous le joug de l’Union soviétique. À cette époque, il pose les bases de son cinéma en dépeignant l’innocence confrontée à l’univers dramatique des adultes, notamment au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Le troisième segment, intitulé Paskutinis šūvis (Le Dernier coup), que le cinéaste signe se distingue en particulier des trois autres par sa manière de concevoir une mise en scène dotée d’une authentique force plastique, sans pour autant sombrer dans le pur exercice de style afin de satisfaire les hautes sphères du parti unique. On est en droit de rapprocher ainsi son travail de celui d’un de ses contemporains, un certain Andreï Tarkovski. Mais le film d’Arūnas Žebriūnas n’a cependant rien à voir avec le ton majoritairement lugubre qu’emprunte L’Enfance d’Ivan

Sur la plage abandonnée

Sorti en 1964, La Jeune fille à l’écho est un poème incroyablement lumineux écrit dans ces vagues que caressent les rayons du soleil alors que l’été touche à sa fin. Pour jouer de son cor afin de saluer l’astre qui se lève, notre héroïne Vika, incarnée par la jeune Lina Braknyte, nous semble être un personnage féérique, aussi légère qu’une plume qu’elle en marche sur l’eau. Maintenant les figures adultes d’un grand-père et d’un père à la marge, représentant un univers plus réel qui saura se rappeler à nous, cette fable en noir et blanc invoque ensuite d’autres enfants (que des garçons !) qui graviteront autour de la blonde intrépide et insaisissable. Est-ce sans doute en ces instants où ce premier long-métrage Žebriūnas perd un peu de sa force d’évocation lorsqu’une petite bande sème continuellement la zizanie entre Vika et Romas de manière répétitive, au son d’une radio portative aux ondes musicales très… occidentales, pour ne pas dire américaines !

Du long de son heure de métrage, La Jeune fille à l’écho adapte la nouvelle de l’écrivain russe Yuriy Nagibin avec un onirisme pur. À l’instar de Romas, le gamin de la ville qui a tout à découvrir des merveilles de la nature, nous suivons volontiers la belle Vika nous guidant à travers ces décors à la splendeur brute dans ce littoral dépouillé. Adoptant aussi un regard d’enfant, par lequel les choses cèdent facilement à une simplicité d’opposition entre le bien et le mal, le cinéaste lituanien nuance cette approche par l’émergence de sentiments plus complexes. Les remords ou désillusions font alors vaciller l’image qu’ont ces protagonistes en culottes courtes des autres ou d’eux-mêmes, notamment lors de séquences démontrant l’extrême cruauté que se réservent parfois entre eux les plus jeunes. Arūnas Žebriūnas nous offre ainsi avec La Jeune fille à l’écho une œuvre à la poésie instantanée et au charme intemporel.

Alexis Hyaumet

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LA JEUNE FILLE À L’ÉCHO
(Paskutinė atostogų diena)

Un film de Arūnas Žebriūnas
Avec Lina BraknyteValeriy ZubarevBronius Babkauskas
1964 – Lituanie

ED Distribution
En DVD le 2 mars 2021

A Memoriam, un document d’archive d’une quinzaine de minutes est disponible en supplément de cette édition DVD. Le cinéaste revient sur les débuts d’une carrière inattendue et ses premières réalisations, abouties comme abandonnées en cours de route, qui l’ont mené à faire ces films hors de l’ordinaire et récompensés à travers le monde.

Crédits images : © 1964 Lithuanian Film Studio, ED – Tous droits réservés

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