Cette année à Arles, un double hommage est rendu à Agnès Varda : Les Rencontres de la Photographie proposent de découvrir son travail préparatoire pour La Pointe Courte (1955), tandis que la LUMA revient sur sa joyeuse incursion dans l’art contemporain.

C’est une petite femme, entre vingt-cinq et trente ans, les cheveux noirs coupés au bol, pantacourt et canotier. Elle est penchée vers l’œilleton d’une caméra sur pied. Elle prépare un plan d’ensemble, en plongée. Le matériel est installé en hauteur et la jeune femme, pour être à niveau, a dû se tenir debout sur le dos d’un technicien, lui-même accroupi sur une caisse mécanique. Cette jeune femme, on l’a reconnait immédiatement, c’est Agnès Varda. Cette photographie de tournage a fait le tour du monde, lorsqu’elle a été utilisée pour l’affiche du 72e Festival de Cannes en 2019, revisitée par la graphiste Flore Maquin. L’originale de cette photo et bien d’autres images du tournage de La Pointe Courte, sont à découvrir dans l’exposition pilotée par la commissaire Carole Sandrin au Cloître Saint-Trophisme, à l’occasion des Rencontres de la Photographie d’Arles. Mais au-delà de ces amusants et touchants souvenirs du tournage du premier film d’une jeune réalisatrice, l’exposition nous permet surtout de voir les photographies prises par Varda elle-même, en les confrontant avec des plans du film. On connaît bien sûr le talent d’Agnès Varda pour composer des plans d’une grande beauté, mais il est saisissant de mesurer à quel point son œil photographique était affûté dans ces images qui dépassent le travail préparatoire pour proposer un vrai reportage pictural. Un voyage documentaire, composé sans être artificiel, quelque part entre Doisneau et Robert Frank, sur ce quartier de pêcheurs de Sète qui donnera son titre au film.

En quittant le Cloître Saint-Trophisme et le centre-ville en direction des anciens ateliers SNCF et de l’imposante tour de Frank Gehry de la fondation LUMA, Arles nous fait voyager cinquante ans en avant, passant de la première période artistique d’Agnès Varda, la photographie, à sa dernière incursion dans l’art contemporain au tournant des années 2000. L’exposition « Archive de Hans-Ulrich Obrist – Chapitre 3 : Agnès Varda – Un jour sans voir un arbre est un jour foutu » à la LUMA nous invite à (re)découvrir ces incursions, à l’invitation de l’historien et critique d’art Hans-Ulrich Obrist, dans le monde des installations et des expériences multi-sensorielles de celle que l’on connaît avant tout comme réalisatrice. Ainsi, on peut pénétrer dans cette maison de jardin, construite entièrement à partir de bouts de pellicules du Bonheur (1965), dont les images vives donnent à la lumière qui les traverse quelque chose de chaleureux, alors que la tragédie s’affiche discrètement sur quelques-uns des photogrammes. On peut aussi voir cette impressionnante installation vidéo, Patatutopia (2003), où trois écrans nous montrent à la manière d’un film de science-fiction la germination de pommes de terres, face à une vaste étendue de véritables patates posées au sol. Une œuvre, comme celle du costume d’Agnès Varda en Dame Patate, présentée également, qui résonne évidemment avec cette personnalité comique et attachante qui rendent accessibles tous les sujets graves qu’elle a abordés avec exigence tout au long de sa vie d’artiste (l’avortement avec  L’une chante, l’autre pas (1977) ou l’écologie avec Les Glaneurs et la glaneuse (2000)). Et ses œuvres qui se rapprochent de l’art contemporain, loin d’être absconses ou élitistes, sont aussi ludiques et réflexives que ses films. Ainsi, des photos de jouteurs sur le port de Sète aux montages de pommes de terre en forme de cœur, une virée à Arles nous rappelle la richesse, la variété, et en même temps la cohérence de l’œuvre d’Agnès Varda, une artiste qui a tout tenté sans jamais se contredire.

Exposition Archive de Hans-Ulrich Obris : Agnès Varda © Luma

Agnès Varda, La Pointe Courte, des photographies au film

Exposition aux Rencontres de la Photographie d’Arles, jusqu’au 24 septembre

Archive de Hans-Ulrich Obrist – Chapitre 3 : Agnès Varda : Un jour sans voir un arbre est un jour foutu

Exposition à la Fondation LUMA d’Arles, actuellement.