L’intrigue :
Une nuit, après un rendez-vous raté avec la femme de sa vie, un homme reçoit dans une cabine téléphonique l’appel d’un militaire affolé qui lui apprend que des missiles nucléaires vont s’abattre sur Los Angeles dans 1 heure et 10 minutes.
Les amants de l’Apocalypse
L’injustice est de tout temps, mais le temps guérit parfois les blessures. Et il aura fallu à certains réalisateurs le travail de restauration de leurs plus grands échecs commerciaux pour revoir ces derniers à la hausse dans les classements des meilleurs films jamais faits. Nous n’irons pas nécessairement jusqu’à ces extrémités avec ce second et dernier long-métrage de Steve De Jarnatt, mais l’existence de cette œuvre fait véritablement — comme son titre pourrait le suggérer — figure de miracle. Ce genre d’erreur salvatrice qu’Hollywood tente systématiquement de détruire et de ne plus répéter : laisser le champ libre à un jeune réalisateur sur un long-métrage.
Miracle Mile est véritablement un film américain d’auteur de 1988. D’auteur, il faut comprendre que Steve De Jarnatt est également le scénariste qui aura bataillé pendant cinq années pour défendre son bébé. Ce dernier était rangé dans la fameuse black list des meilleurs scénarios jamais transformés en film. Ce thriller qui commence en comédie loufoque va crescendo jusqu’à un final absolument déchirant. Avec cette restauration, l’abnégation de Steve De Jarnatt est à remettre à l’honneur d’avoir défendu mordicus chaque page de son script qui a (presque) tout pour déplaire au consommateur lambda dans les études de marché. Son film nous offre des séquences qu’il serait impossible de concevoir dans un long-métrage d’aujourd’hui, en particulier des irruptions de violence au milieu de son style doux dingue dans la droite lignée de son précédant Cherry 2000. Si la mise en scène est en parfaite adéquation avec son époque, le public contemporain a de quoi perdre autant ses repères que celui de la fin des années 1980, à osciller de la sorte d’une comédie romantique de gentil loser un peu pataude à une spirale anxiogène vers l’apocalypse sur fond de Tangerine Dream. Imaginez : le jour où vous rencontrez l’amour de votre vie, la fin du monde est annoncée dans quelques heures. Que feriez-vous ? Du canular téléphonique à l’hystérie collective, Steve De Jarnatt est prêt à réduire l’écart entre les deux extrêmes à un seul petit pas.
Imaginez : le jour où vous rencontrez l’amour de votre vie, la fin du monde est annoncée dans quelques heures. Que feriez-vous ?
Relativement bien inspiré des errements de Jeff Goldblum et Michelle Pfeiffer dans Série noire pour une nuit blanche, la montée de la tension en parallèle trouve encore écho de nos jours. De la crainte de la destruction mondiale par l’emploi de l’arsenal atomique, il ne restera déjà plus qu’une référence kitsch de cette période dans le Panic à Florida Beach de Joe Dante sorti la décennie suivante. Elle sert surtout à Miracle Mile, complémentaire du Docteur Folamour de Kubrick, de prétexte pour foutre le feu à la société. Les clochards trainent dans ces cartes postales colorées de Los Angeles. La critique des violences policières ou du racisme est annonciatrice du tabassage de Rodney King trois ans plus tard et des grandes émeutes qui embraseront la ville en 1992. Si entre les personnages mignons tout plein d’Anthony Edwards et de Mare Winningham les sentiments sont idylliques, ils tranchent avec la vision nettement plus nihiliste que porte Steve De Jarnatt sur l’Amérique des années fric. Cherry 2000 décrivait aussi bien l’achèvement de la poursuite de ce rêve américain complètement artificiel en passant par un chaos. Là encore, l’amour véritable est le seul refuge dans ce monde imparfait dont la destruction est inévitable. Hormis pour son résultat désastreux (et prévisible) au box-office politiquement correct, c’est maintenant une bénédiction que le réalisateur n’ait laissé quiconque réécrire sa conclusion déchirante. Jusqu’aux dernières secondes du générique de fin, Steve De Jarnatt aura évité à son Miracle Mile de n’être qu’une énième série B grotesque sur la fin du monde, aboutissant à un long-métrage qui vous laisse K.O. au premier round.
Miracle Mile ressort en DVD et Blu-Ray chez Blaq Out dans leur série blaq market. Les bonus présentés sur les deux éditions présentent notamment la piste musicale de Tangerine Dream isolée sur une piste audio, un entretien inédit avec le réalisateur Steve De Jarnatt, les deux acteurs principaux et le compositeur Paul Haslinger. Vous y trouverez également les traditionnelles bandes-annonces et scènes coupées, ainsi qu’une fin alternative légèrement différente de l’officielle. Seul le Blu-Ray propose deux court-métrages du réalisateurs : Tarzana (1972) et Eat the Sun (1975).
3 commentaires
Steve De Jarnatt · 31 juillet 2020 à 4 h 15 min
https://www.stevedejarnatt.net/ NEW WEBSITE FOR MIRACLE MILE
Steve De Jarnatt · 31 juillet 2020 à 4 h 15 min
https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/distributed/G/bo50634192.html
2017 et les rêves perdus – Revus et Corrigés · 2 janvier 2018 à 18 h 56 min
[…] (La Maison du docteur Edwards, Rebecca…), mais aussi par les pépites redécouvertes comme Miracle Mile de Steve De Jarnatt ou Le Roi de cœur de Philippe de […]