Il est des événements de cinéma que l’on ne raterait pour rien au monde. Le Festival de Cannes a toujours donné l’impression d’être l’instant annuel de référence pour tous les cinéphiles. Pourtant, en mai prochain, cela fera 50 ans que l’immanquable vint à manquer : le Festival de Cannes avait été annulé. Plusieurs ouvrages ont déjà traités de ce moment de stupeur générale sur une Croisette prise dans la vague des mouvements sociaux et des revendications de mai 1968. Or c’est à cette même période que naquit l’idée d’un autre festival, d’une autre façon de penser le cinéma.
Au travers d’une montagne d’anecdotes aussi savoureuses qu’incongrues, Bruno Icher est parvenu à nous reconstituer dans son nouveau livre les premiers pas de La Quinzaine des réalisateurs. En effet, l’institution devenue ronflante du Festival de Cannes s’était prise de plein fouet son annulation à cause d’événements extérieurs au cinéma. Et c’était bien ce que beaucoup lui reprochaient : une déconnexion de la réalité.
La Quinzaine des réalisateurs – Les jeunes années 1967-1975 nous raconte très bien comment l’aventure est née d’un idéal où les cinéastes et cinéphiles seraient libres des courants, des continents et des protocoles.
L’éviction malheureuse d’Henri Langlois à la tête de la Cinémathèque française en février 1968 avait mis le feu aux poudres auprès d’une nouvelle génération de cinéastes appelant déjà à un sursaut du cinéma, créant dans le sillages des événements la Société des réalisateurs de films et finalement la Quinzaine des réalisateurs. Et quelle meilleure tribune que la Croisette elle-même ?
Nous sommes d’autant plus fascinés que la “Quinzaine” célèbrera dans un an son cinquantième anniversaire, car nous découvrons à cette lecture l’organisation particulièrement chaotique et hasardeuse des premières éditions. Émane des souvenirs de Pierre-Henri Deleau, de ses équipes et de ses cinéastes invités l’esprit de liberté totale qui régnait à cette époque en pleine influence hippie. L’entraide et la débrouille auront triomphé de l’amateurisme assumé des organisateurs, quand chaque jour apportait son lot de galères et d’impasses.
Au fil du temps, la Quinzaine des réalisateurs est elle-même devenue un immanquable de Cannes et il était bon de rappeler comment tout cela avait débuté : d’un amour profond pour tous les cinémas et que rien n’est impossible pour des cinéphiles épris de liberté.
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