À la fois récit d’initiation, road movie, comédie burlesque et drame familial, L’Été de Kikujiro détonne à plus d’un titre dans l’œuvre de Takeshi Kitano, en raison de sa structure et du premier rôle accordé à un enfant. À ce titre, il possède la force des grands classiques intemporels – notamment ceux de Charlie Chaplin et Charles Laughton.

Récit d’une vacance estivale picaresque, le 8ème film du cinéaste japonais aborde tous les registres du cinéma, de la farce à la rêverie éveillée, sans oublier la comédie de mœurs, le slapstick dans sa plus pure forme ou la violence hard boiled dont il s’était fait le spécialiste – souvenez-vous de Sonatine (1993), qui l’avait révélé sur la scène internationale. Ensuite, par ses tonalités et ses ruptures de ton, Kitano nous fait passer du rire aux larmes avec une dose d’effroi. Un cocktail que seul Beat Takeshi est parvenu à maîtriser à ce point d’incandescence. Et avec une humanité, déjà décelée dans son précédent chef d’œuvre Hana Bi, mais qu’on ne devinait pas aussi présente.

ete_de_kikujiro06Enfin, par son style pictural rutilant et son jeu de couleurs pastel – il retrouve là Katsumi Yanagijima, son chef opérateur habituel – qu’il fait littéralement exploser sa bande-son mémorable signée Joe Hisaishi qui épouse toutes les tonalités du récit, Kitano livre là un film bien plus secret qu’on ne l’imagine. Un hommage à son propre père, redouté et souvent absent, et qui s’appelait…. Kikujiro.

Auréolé du Lion d’Or qu’il avait décroché à Venise en 1997 pour Hana Bi, Takeshi Kitano est sélectionné à Cannes en 1999 pour L’Été de Kikujiro, qui n’obtiendra rien. Hélas. Car il s’agit là de son film le plus grand public et de son plus secrètement intime.

Revoir L’Été de Kikujiro aujourd’hui, c’est constater à quel point l’inventivité et la créativité de Takeshi Kitano étaient alors sans limites. Le cinéaste a récemment déclaré quitter définitivement ses activités de mise en scène, mais cette splendide édition nous prouve à quel point il fut et reste l’un des auteurs majeurs de son époque. Et combien son œuvre, malheureusement un peu oubliée ces temps-ci, possède la force des grands classiques intemporels – en l’occurrence Chaplin et Laughton.


 

Kikujirô no natsu
Un film de Takeshi Kitano
Avec Takeshi Kitano, Yusuke Sekiguchi, Kayoko Kishimoto
1999 – Japon

 

Édité en Coffret DVD/blu-ray par La Rabbia le 4 avril 2018

kikujiro blu-ray

Le coffret DVD / Blu-ray est assorti d’un livret d’une quarantaine de pages qui replace le film dans le contexte de l’œuvre de Takeshi Kitano et brosse le portrait de ses principaux collaborateurs. À signaler également le CD de l’inoubliable BO du film signée Joe Hisaishi. De la lecture, de l’image, de la musique, tout en un – une certaine idée du bonheur !

Droits images : © 1999 Bandai Visual Company, Nippon Herald Films, Office Kitano, Tokyo FM Broadcasting Co. / © 2018 La Rabbia

Sylvain Lefort

Co-fondateur Revus & Corrigés (trimestriel consacré à l'actualité du cinéma de patrimoine), journaliste cinéma (Cineblogywood, VanityFair, LCI, Noto Revue), cinéphile et fan des films d'hier et d'aujourd'hui, en quête de pépites et de (re)découvertes

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