L’intrigue
Quand deux magiciennes se rencontrent, la vie change de sens. L’une, Julie, est une bibliothécaire un peu trop sage, plongée dans le Tarot et les livres d’occultisme ; l’autre, Céline est une illusionniste délurée qui enchaîne les numéros de prestidigitation dans un petit club louche de Montmartre : toutes deux sont destinées à des avenirs pourris, et elles réajusteront chacune le destin mal ajusté de l’autre…
Restauration 4K
« Mais, le lendemain matin… »
Difficile d’évoquer un film aussi riche au milieu d’une filmographie qui l’est tout autant. Dans cette aventure de trois heures réalisé par Jacques Rivette, Julie va croiser le chemin de la très pressée Céline. Une Céline façon lapin blanc (l’influence de Lewis Caroll est évidente tout le long du film) et une rencontre aussi fantasque que le sera ce joli duo. C’est l’une des forces de Céline et Julie vont en bateau : cette complicité de tous les instants entre deux jeunes femmes délurées. Il est intéressant d’opérer un parallèle avec Les Petites Marguerites, de Věra Chytilová, sorti sept ans plus tôt, et le film de Rivette. On retrouve chez la cinéaste tchécoslovaque les mêmes ingrédients que dans Céline et Julie vont en bateau – en plus de personnages haut en couleur.
Montage déconstruit, dialogues incohérents, sur-interprétation… Céline et Julie vont en bateau est un voyage fantasmagorique. Un périple pendant lequel les deux jeunes femmes tentent de résoudre le mystère entourant une étrange demeure fantôme (les plans glaçants sont légions). Rivette jongle avec les genres – fantastique, policier, comédie (on rit énormément devant Céline et Julie vont en bateau) – et Paris devient un véritable terrain de jeu. Le cinéaste a toujours aimé la capitale française et le prouve une nouvelle fois ici. Cette dernière est le prétexte d’une visite façon carte postale à l’image de la première scène pendant laquelle Céline poursuit Julie dans Montmartre. En plus de sa « trame principale », Rivette parsème son récit de scènes jubilatoires, comme celles au théâtre, jamais prétextes à un quelconque remplissage. Les trois heure qui constituent Céline et Julie vont en bateau filent, la magie opère du premier au dernier plan tandis que le charme du film reste intact, plusieurs dizaines d’années après sa sortie.
Mais Céline et Julie vont en bateau n’est pas l’œuvre d’un unique cinéaste, Jacques Rivette. Juliet Berto et Dominique Labourier ont participé à la naissance de ce scénario si particulier, donnant l’impression d’un récit s’écrivant sous les yeux du spectateur. Mélangeant réel et irréel, jouant sans cesse avec son montage, invoquant aussi bien Lewis Caroll que Jean Cocteau ou La vie est un songe, Céline et Julie vont en bateau reste l’un des chef d’œuvres de Jacques Rivette. Et comment ne pas évoquer, comme unique argument pour (re)voir le film, le rire si communicatif entre Juliet Berto et Dominique Labourier, complices de tous les instants ?
La sortie vidéo de Céline et Julie vont en bateau est accompagnée de nombreux bonus, dont une présentation du film par Pacôme Thiellement (28′), des entretiens avec Jacques Rivette (20′), les actrices (33′), Bertrand Mandico (16′), Lucile Hadzihalilovic (13′) ainsi qu’un hommage à Juliet Berto (7′).