La disparition de Bertrand Tavernier, en mars 2021, a mis le monde cinéphile en émoi. Chacun ou presque s’est rappelé d’un souvenir, de quelque chose qu’il doit à ce géant (au sens littéral) du cinéma français. La sortie d’un coffret vidéo regroupant dix-huit de ses long-métrages en octobre 2021 et en février 2023 la sortie en salles d’une presque intégrale de ses films, nous permettent de nous reposer la question : au-delà du « Tatave » cinéphile que l’on affectionnait tous, c’est quoi, le cinéma de Bertrand Tavernier ?
Dossier initialement publié dans Revus & Corrigés N°12 – Automne 2021.
Pour une curieuse raison, on ne parlait plus beaucoup des films de Bertrand Tavernier avant sa disparition. Le bonhomme, bien sûr, il était partout, mais on l’avait sans doute un peu trop commodément rangé auprès des passeurs, notamment en tant qu’historien (terme qu’il réfutait totalement) du cinéma français, réhabilitateur de cinéastes mal-aimés ou oubliés. En même temps, c’était tellement facile d’entendre Tavernier discuter de cinéma [1] que, forcément, la nécessité de parler de ses films paraissait peut-être moindre. À tort. Car maintenant qu’il n’y aura plus de nouveau film de Bertrand Tavernier, on se rend bien compte que cette filmographie, quand bien même elle aura su trouver ses bruyants détracteurs, n’a pas son pareil dans le cinéma français ; dans le cinéma tout court en fait. Sur cette quarantaine d’années de carrière, Tavernier a été, par excellence, un cinéaste du temps : temps qui passe, entrechoquement du temps, temps passés – et même temps futur, l’espace d’un film. Ces œuvres, à la fois sensibles et populaires (pour la plupart), portent en elles les métamorphoses de la France de la seconde moitié du XXe siècle jusqu’au début du siècle suivant. Le cinéma de Tavernier a poursuivi une quête de l’innocence (souvent, face à la cruauté ou à l’absurdité du monde) pas anodine pour lui, enfant de la guerre, et bien plus tard cinéaste revendiqué de gauche. Et derrière cette innocence apparente, Tavernier s’est aussi révélé être un cinéaste de la fêlure, puis de la cassure.
Le temps qui passe
Car c’est dur d’être de son temps. Dans Un dimanche à la campagne (1984), on nous présente Monsieur Ladmiral (le comédien et metteur en scène de théâtre Louis Ducreux), ce vieux petit bourgeois, sympathique peintre un peu médiocre, coincé entre deux siècles, qui, en cette journée ensoleillée de 1912, retrouve chez lui sa famille. Dans le portrait qu’il dresse de Monsieur Ladmiral, au fond bienveillant, Tavernier glisse certainement une partie de lui. Lui, Tavernier, cet admirateur de tous les cinéastes et artisans d’un autre temps oubliés par ses contemporains. Et se lancer dans la réalisation au cours des années 1970 avec pareil héritage n’est pas anodin. Mais nous avions dit que nous ne parlerions pas de Tavernier cinéphile – de toute façon il répétait inlassablement que quand il réalisait un film, il ne repensait à aucun autre film que celui qu’il tournait. Néanmoins, il y a dans le film cette patte esthétique si particulière, la photo de Bruno de Keyzer, dont on a souvent commodément dit qu’elle s’inspirait des impressionnistes, quand, choc temporel encore, elle va puiser dans les autochromes des frères Lumière (photographies couleur des années 1900). Reste que Monsieur Ladmiral, au crépuscule de sa vie, a bien du souci avec le temps. Le temps à attendre que sa fille favorite, Irène (Sabine Azéma), daigne passer une tête à la réunion familiale, pendant que son fils, Gonzague (Michel Aumont), un peu médiocre, s’occupe de lui. Car Un dimanche à la campagne, comme beaucoup de films de journées ou week-ends en famille, est un film de bonheurs éphémères, de non-dits, de déceptions, de rêves d’autres vies. Derrière son hommage en apparence inoffensif à la Belle époque, il fait fleurir sa douceur amère. Monsieur Ladmiral montre à ses enfants ses peintures, qu’il sait sans doute sans intérêt, en se rendant compte que les temps changent, qu’il n’est plus tout à fait à l’heure, et puis, qu’il n’a jamais été Auguste Renoir. Sans qu’ils le sachent, ce sont aussi tous les personnages d’un monde qui va s’effondrer. Nous sommes en 1912 mais le XXe siècle n’a pas encore commencé – sauf peut-être en apparence pour Irène, qui a une voiture suscitant la curiosité et l’admiration [2]. Il y a comme une fébrilité dans l’air, avec ce temps qui va casser, comme dans la voix de Bertrand Tavernier, qui officie comme narrateur. D’ailleurs, arrêtons-nous une minute sur cette voix, si typique, si reconnaissable entre mille, entre assurance et fragilité, balançant avec émotion entre deux temps, comme Monsieur Ladmiral justement. Il faut aussi dire qu’Un dimanche à la campagne est tiré du roman Monsieur Ladmiral va bientôt mourir, écrit au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (1945) par Pierre Bost, qui constituait alors un duo de choc avec Jean Aurenche, notamment scénaristes pour Claude Autant-Lara, bientôt conspués par les Jeunes Turcs des Cahiers et consort. Il n’y avait bien que Tavernier pour aller retrouver l’oeuvre de ce dinosaure (adaptée par Tavernier luimême et son ex-compagne, Colo Tavernier, décédée en 2020).

Le temps qui plie
Bost et Aurenche, justement, Tavernier était déjà venu les chercher pour son premier long-métrage, L’Horloger de Saint-Paul (1974). Tous deux âgés de plus de 70 ans, leur carrière avait perdu en densité au cours des années 1960 : Bost écrivait des téléfilms depuis 1972 et Aurenche n’avait pas signé de scénario depuis 1969. De plus, Tavernier les avait appelés pour adapter de Georges Simenon [3] L’Horloger d’Everton, un roman de 1954 situé aux États-Unis. Transposer l’action à Lyon paraît évident quand on voit le film de Tavernier, avec Philippe Noiret en père paumé, et Jean Rochefort en flic non moins paumé. Là aussi, la douloureuse incompatibilité des temps est au centre du film, dans une France pompidolienne, post-soixante-huitarde, qui tourne un peu à vide. On reproche au fils de Noiret, fugitif, d’avoir tué un bourgeois, au motif que c’était un « pourri ». De là, tout se délie : ce père qui ne sait pas comment aimer son fils, ce fils en rébellion contre le monde, ce flic qui aimerait bien aider mais après tout pas vraiment. C’est impressionnant comme les dialogues des vieux Bost et Aurenche capturent bien l’air du temps. À un ami sympathisant des mésaventures du jeune délinquant, interprété par le superbe Jacques Denis, ils font dire le la du film : « On étouffe, mon vieux. On étouffe, dans ce putain de pays ! Avec ce confort satisfait qu’on entretient par tous les moyens ! » En cela, Tavernier fait aussi le deuil des mouvements sociaux survenus six ans plus tôt, pour des résultats qui restent à prouver. Entrechoquement du temps, des époques, pour finalement en arriver à un temps figé.

C’est sûrement pour cela qu’on se demande encore dans quel siècle on est dans La Vie et rien d’autre (1989). On est en 1920, au lendemain de la grande tuerie, mais on y retrouve Sabine Azéma, comme égarée depuis l’apparent XIXe siècle d’Un dimanche à la campagne, cherchant un mari disparu. Là aussi, Noiret fait un peu office de borne, de repère par rapport à la perdition des personnages : c’est le commandant Dellaplane, chargé de permettre aux familles de retrouver leurs membres disparus. Le siècle précédent est fini, mais pas sûr que le suivant ait commencé pour autant, particulièrement dans cette province perdue où la moitié de la France semble affluer à la recherche d’une montre, d’une lettre ou d’un bibelot qui aurait appartenu à un mari, un fils, un frère ou un cousin. Comme une sorte de bulle mortifère et nostalgique. Et voilà que le commandant Dellaplane se livre à une équation qui, elle aussi, donne le ton en toute fin du film : « Par comparaison avec le temps mis par les troupes alliées à descendre les Champs-Élysées lors du défilé de la Victoire – environ trois heures je crois –, j’ai calculé que, dans les mêmes conditions de vitesse de marche et de formation réglementaire, le défilé des pauvres morts de cette inexpiable folie n’aurait pas duré moins de onze jours et onze nuits ».
Historien des présents
L’une des plus grandes fiertés de Bertrand Tavernier demeurera la bande originale de Que la fête commence… (1975). Assez souvent, il reviendra sur le fait qu’aucun critique n’ait remarqué que la musique orchestrée par Antoine Duhamel pour son deuxième long-métrage a été composée par le personnage principal de son film, le duc d’Orléans, incarné par Philippe Noiret. Or ce Régent, à qui échut le pouvoir du Royaume de France avant que Louis XV n’atteigne la majorité, avait plus de 300 ans (tout comme sa musique, donc). Tavernier avait à cœur de présenter des univers cinématographiques les plus authentiques possibles. S’il se plaisait à naviguer entre les époques, il était l’un des très rares cinéastes à ne pas se reposer seulement sur les décors et costumes pour faire illusion à l’écran. Quel type de musique écoutait-on ? Quelles chansons populaires chantait-on ? Quelles étaient les expressions à la mode ou le vocabulaire employé ? Que la fête commence… est un choc pour le public des années 1970, habitué à des films historiques souvent aseptisés. Le cinéaste désarçonne les spectateurs, découvrant que les nobles dans les films à costumes peuvent
aussi avoir des comportements crasseux, maltraiter leur mobilier et tenir des propos orduriers !

Il a toujours été important pour Bertrand Tavernier de désacraliser l’histoire, avec ces passés trop souvent figés dans les mémoires et sur la pellicule. Mais les grands événements ne l’intéressent pas directement. Ce ne sont pas les batailles épiques qui décrivent le mieux la guerre, malgré quelques séquences de combat admirables dans Capitaine Conan [4] (1996). Se mettant à hauteur d’homme, le cinéaste préfère l’après : l’immédiat avec Capitaine Conan ou La Princesse de Montpensier (2010) dans lesquels les guerres que l’on croyait éteintes se poursuivent ; les meurtrissures concrètes dans Le Juge et l’Assassin, La Passion Béatrice (1987), La Vie et rien d’autre, ou celles plus lointaines et diffuses dans Un dimanche à la campagne ou Dans la brume électrique (2009). Nous sommes juste avant que n’éclate la Seconde Guerre mondiale dans Coup de torchon (1981). Et encore, c’est pour mieux nous perdre dans les méandres de l’Afrique coloniale, qui empruntent parfois des allures du cinéma fantastique. Dans Laissez-passer (2002), nous sommes alors en pleine Occupation. Même de manière plus légère, le grand moment à l’ONU auquel se prépare durant tout Quai d’Orsay (2013) le ministre farfelu tenu par Thierry Lhermitte restera hors champ, hors du temps, suspendu. Par ces pas de côté, le cinéaste engagé qu’est Tavernier nous rappelle à l’essentiel du vécu social que les grandes dates finissent toujours par occulter dans les manuels d’Histoire. Les guerres de religion comme l’Affaire Dreyfus ressurgissent dans les quotidiens de La Princesse de Montpensier ou du Juge et l’Assassin, dans lequel Michel Galabru incarne un tueur en série sévissant dans les campagnes de la fin du XIXe siècle. Le cinéaste ne manquera pas de mettre en perspective le sujet principal, avec un carton final tombant tel un couperet : « Entre 1893 et 1898, le sergent Joseph Bouvier tua 12 enfants. Durant la même période, plus de 2 500 enfants de moins de quinze ans périrent dans les mines et les usines à soie, assassinés ! »

Avant de condamner les êtres, Bertrand Tavernier condamne surtout un système cynique, immuablement inégal, qui, à n’importe quel temps, s’en prend aux plus démunis. Dès son premier film, figure d’autorité ou non, ce sont celles et ceux au bas de l’échelle sociale qui en sont les constantes victimes : le petit artisan sans histoire (L’Horloger de Saint-Paul), les troufions (La Vie et rien d’autre, Capitaine Conan), les policiers (L.627, 1992), le directeur d’école (Ça commence aujourd’hui, 1999), des parents adoptifs (Holy Lola, 2004)… Les tentatives d’élévation sociale se révèlent souvent infructueuses, et parfois sanglantes comme dans L’Appât (1995). Sans doute influencé par le cinéma américain, Bertrand Tavernier ne sombre pas non plus dans un pessimisme général. Il offre une figure de rédemption à ce système qui a perdu tout sens commun. À bout, un flic, un juge, un haut gradé finissent par se révolter. Dans son unique incursion dans le futur, il s’attaque par anticipation à la télé-réalité et la fin de la notion d’intimité dans La Mort en direct (1980). Harvey Keitel, caméraman voyeur espionnant les derniers jours de Romy Schneider, se retourne contre ses employeurs et leur quête glauque du divertissement à tout prix. Ce combat contre l’injustice d’un système se traduit plus fort encore au-delà de la fiction avec les documentaires La Guerre sans nom (1992) et Histoires de vies brisées (2001). Témoignages du réel ou réalisme de la fiction, quelle que soit l’époque, la lutte continue.
Filmer l'enfance
Un constat s’impose : les enfants foisonnent dans les films de Bertrand Tavernier. Bien sûr, ils sont au premier plan quand le sujet s’y prête directement, comme dans Ça commence aujourd’hui (1998) ou Une semaine de vacances (1980), tous deux traitant de la faillite des institutions à assurer le minimum de leurs missions éducatives et du courage des enseignants à les assumer. Mais les enfants apparaissent dans la quasi-majorité des films de Tavernier, petits bergers proies de pédophiles (Le Juge et l’Assassin), Africains frigorifiés par une éclipse solaire (Coup de torchon), petite fille livrée à elle-même dans l’appartement de son père fan de jazz (Autour de minuit), nourrissons abandonnés dans un refuge sous les bombardements de l’Occupation (Laissez-passer), nuée de gamins dans la boue du Moyen-Âge (La Passion Béatrice) ou adolescents qui se prêtent aux jeux de l’amour et de la guerre (La Princesse de Montpensier).

Jamais Tavernier ne filme les enfants comme des victimes passives ou aveugles à leur sort. Dans Une semaine de vacances, face à l’enseignante déprimée, ils font preuve d’une lucidité et d’une joie qui la remotivent. Dans Ça commence aujourd’hui, face aux difficultés matérielles et sociales que rencontrent leurs familles, ils affichent une envie de vivre qui transcende la grisaille du quotidien. À cet égard, il faut regarder dans le making of de Ça commence aujourd’hui pour vérifier combien Bertrand Tavernier prêtait attention aux enfants de la maternelle d’Anzin [5], dans laquelle il tournait son film : la chaleur qui se dégage de ses propos, de ses gestes à leur égard en font un témoignage extrêmement touchant. Sujets d’attention de la part du cinéaste, les enfants constituent une toile de fond révélatrice des tares individuelles et sociales : victimes innocentes violées et égorgées par Joseph Bouvier dans Le Juge et l’Assassin ; sujets d’études scientifiques, telle la duchesse de Berry, fille du Régent, atrocement atrophiée par Chirac, le médecin de la cour, au début de Que la fête commence. C’est d’ailleurs par une autre image déchirante que se clôt ce même film : celle d’un jeune garçon, écrasé par le cortège royal, prélude à une jacquerie paysanne annonciatrice de la Révolution française. Le point d’orgue de cette jeunesse observée comme réceptacle des tares de son époque, est porté par le trio de jeunes criminels Marie Gillain – Bruno Putzulu – Olivier Sitruk dans L’Appât (1995). Bertrand Tavernier y fait preuve non de mansuétude ou de pitié, mais d’accablement. Non pour dénoncer leur bêtise, mais pour mettre à la barre des accusés nos sociétés démissionnaires en matière d’éducation et de valeurs, qui en valorisant l’argent et les signes extérieurs de richesse, donnent naissance à des monstres.
Force vie
Pour autant, l’enfance et la jeunesse constituent aussi une véritable force de vie qui pousse les personnages de Tavernier vers une forme d’optimisme. Pour preuve : dans un de ses premiers films choraux contemporains, Des enfants gâtés (1977), Bertrand Tavernier souligne le rôle et l’importance de la fonction exercée par un personnage d’apparence secondaire, la femme de Michel Piccoli incarnée par Arlette Bonnard. Elle travaille auprès d’enfants autistes. « Une femme confrontée à des enfants blessés, abîmés, et cela lui donne une force incroyable », commentera-t-il. Même chose dans Holy Lola (2004), un de ses films les plus sous-estimés : le moment où Isabelle Carré et Jacques Gamblin rencontrent leur fille adoptive dans un orphelinat au Cambodge constitue un des instants d’émotion les plus forts de toute la filmographie du cinéaste. Mais alors pourquoi mis à part Une semaine de vacances et Ça commence aujourd’hui, le cinéaste n’a-t-il pas filmé plus frontalement l’enfance, comme François Truffaut avec Les 400 coups ou L’Argent de poche ? Ou Louis Malle avec Zazie dans le métro et Le Souffle au cœur ? Peut-être faut-il y voir le signe de sa réticence à parler de lui à la première personne. Au journaliste Jean-Luc Douin qui l’invitait à parler de son enfance, Bertrand Tavernier avouait : « Je n’aime pas beaucoup cela [6] ». Quand le cinéaste filme l’enfance, c’est souvent de biais. Ainsi, avez-vous remarqué l’affiche insérée dans une photo d’art qui trône chez Nathalie Baye dans Une semaine de vacances ? L’Incompris, de Luigi Comencini, mélodrame ô combien significatif sur les difficultés de l’enfance.
Lieu ultime de l'intimité
A-t-on assez souligné la présence symbolique des enfants dans ses films, comme signes de la proximité d’une mort apaisée et heureuse, cette petite fille sautant à la corde dans un cimetière dans La Mort en direct ? A-t-on assez relevé la scène de son premier long-métrage, L’Horloger de Saint-Paul (1973), au cours de laquelle Philippe Noiret rend visite à la nourrice de son fils, dans une vieille maison au cœur de Lyon, qui n’est autre que celle des parents du réalisateur, dans laquelle il est né et qui a été détruite depuis ? Maison si chère à son cœur et à sa jeunesse qu’à ses dires, Aragon y aurait écrit son poème « Il n’y a pas d’amour heureux »… Pour sa propre mère… A-t-on assez prêté attention à ses déclarations concernant Un dimanche à la campagne : « J’ai ressorti mes souvenirs d’enfance » ? Car c’est peut-être le rapport secret de Bertrand Tavernier à l’enfance : bien que lieu ultime de son intimité, qu’il répugnait à évoquer frontalement, par pudeur, par discrétion, c’est ce qu’il a paradoxalement filmé le plus, indirectement. « Je découvre que je n’ai fait que filmer mon enfance. C’est cette lumière, cette atmosphère que j’ai essayé de retrouver dans tous mes films », avouait-il dans son documentaire le plus autobiographique, Lyon, le regard intérieur, consacré à son père René, en 1988. Manière pour le cinéaste d’illustrer dans une version contemporaine, discrète et pudique, la définition que donnait Baudelaire du génie, « l’enfance retrouvée à volonté ».
Par Alexis Hyaumet, Sylvain Lefort et Marc Moquin
1. Voir notre entretien avec Bertrand Tavernier, « La guerre sans fin », dans Revus & Corrigés n°2, automne 2018.
2. Ce marqueur d’une autre époque semble aussi renvoyer à la voiture de La Horde sauvage de Sam Peckinpah (1969) dont la simple présence indiquait que le temps de l’Ouest était fini.
3. À cette époque principalement adapté par Pierre Granier-Deferre dans quatre films dont Le Chat (1971).
4. Dont on soupçonnerait l’un des plans tournés caméra à l’épaule d’en avoir inspiré un autre deux ans plus tard chez Spielberg, dans Il faut sauver le soldat Ryan, où la plage normande d’Omaha Beach se substitue au relief des Balkans.
5. Rebaptisée depuis… maternelle Bertrand Tavernier.
6. Jean-Luc Douin, Bertrand Tavernier, cinéaste insurgé, Ramsay Poche Cinéma, 2006.
Image de couverture : Philippe Noiret, Bertrand Tavernier et Jean Rochefort sur le tournage de L’Horloger de Saint-Paul (1974) © Lira Films / Tamasa Distribution


BERTRAND TAVERNIER, L’INTÉGRALE OU PRESQUE
Rétrospective comprenant comprenant :
L’Horloger de St-Paul (1974), Que la fête commence (1975), Le Juge et l’Assassin (1976), Des enfants gâtés (1977), La Mort en direct (1980), Coup de torchon (1981), Mississippi Blues (1983), Un dimanche à la campagne (1984), Daddy nostalgie (1990), La Guerre sans nom (1992), L627 (1992), La Fille de d’Artagnan (1994), L’Appât (1995), Capitaine Conan (1996), Ça commence aujourd’hui (1999), Laissez-passer (2002), Holy Lola (2004), Dans la brume électrique (2009), La Princesse de Montpensier (2010)
Tamasa Distribution
Au cinéma le 15 février 2023
BERTRAND TAVERNIER, LA COLLECTION
Le coffret comprend : L’Horloger de Saint-Paul (1974), Que la fête commence (1975), Le Juge et L’Assassin (1976), Des enfants gâtés (1977), La Mort en direct (1980), Une semaine de vacances (1980), Coup de torchon (1981), Un dimanche à la campagne (1984), La Vie et rien d’autre (1989), L.627 (1992), La Guerre sans nom (1992), L’Appât (1995), Capitaine Conan (1996), Ça commence aujourd’hui (1999), Laissez-passer (2002), Holy Lola (2004), La Princesse de Montpensier (2010) et Quai d’Orsay (2013).
Le coffret est accompagné d’un livret rédigé par Guillemette Odicino et préfacé de Thierry Frémaux (76 pages). En complément, presque tous les films sont accompagnés d’un entretien ou d’un commentaire audio de Bertrand Tavernier, et parfois de ses acteurs et collaborateurs. À noter également plusieurs analyses de film par Guillemette Odicino, des bandes-annonces, des archives ou scènes coupées, ainsi qu’un long making of de Capitaine Conan (55 min).