AU SOMMAIRE DU N°17
Hiver 2022
L'Édito :
Disney,
Roselyne Bachelot, même combat
Disney a tué l’enfant que j’étais. En rachetant Lucasfilm, ils ont fait de Star Wars tout ce que je ne voulais pas que cet univers devienne. Car l’enfant que j’étais s’émerveillait devant l’épisode IV, usant sa VHS encore et encore. Ce qu’il y avait de merveilleux avec les premiers films de la saga de George Lucas, c’est que l’on ne voyait qu’un tout petit bout de l’univers. On fantasmait ce qui pouvait se passer ailleurs, avant, après. Ce lore (comme on le dit maintenant) faisait fantasmer sur le hors champ comme l’imagination est stimulée à la lecture d’un roman de Verne ou Maupassant. Et quand Lucas réalisa la prélogie entre 1999 et 2005, revenant sur les origines de Dark Vador, autant de questions venaient compenser les réponses qu’il offrait. Son univers s’étendait encore, bien aidé aussi par les changements esthétiques liés aux technologies numériques. Disney a tué tout cela. Pas tant en signant les épisodes VII, VIII et IX mais en multipliant les projets annexes, les spin-off, les séries sur des personnages parfois secondaires. Rogue One, Andor, Obi-Wan, tous ces projets rétrécissent l’imaginaire, comblent les trous et standardisent notre approche de l’univers. On ne rêve plus sur Star Wars, on consomme. Cette stratégie du gavage disneyien montre que cette firme, pourtant présentée comme l’usine à rêves, a pour but non pas d’éveiller les enfants mais de les faire entrer dans le moule. Remakes live, suites à gogo, multiplication des projets au sein du Marvel Cinematic Universe, tout est pré-digéré, rien ne dépasse, surtout pas la liberté de rêver. C’est sûrement le grand défi de James Cameron maintenant qu’Avatar est tombé dans l’escarcelle de la firme aux grandes oreilles : ne pas céder à sa vision étriquée du rêve.
Car le cinéma (et les séries) sert aussi à ça : comme tout art, il peut sortir des sentiers battus et n’entre pas nécessairement dans une logique de super-rentabilité. La mort de Godard nous l’a tristement rappelé avec ses hommages mi-figue, mi-raisin. Quand l’ex-ministre de la Culture Roselyne Bachelot déclare sur RTL « Les films de Jean-Luc Godard ont toujours suscité chez moi un ennui profond », elle résume le dédain pour ce qui n’est pas commercial ou prémâché. Elle a le droit de ne pas aimer Godard mais pas d’affirmer son ennui, sans au moins rappeler son importance capitale dans l’Histoire du cinéma et de l’art en général. Disney, Bachelot, même logique : l’art n’a plus raison d’être, place à la consommation, sans pensée, sans évasion ni la possibilité de découvrir des formes, des moyens d’expression, des sensations nouvelles.
Alexandre Mathis, rédacteur en chef
REVOIR : RÉVOLUTION DU CINÉMA NUMÉRIQUE
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La mission de l’Institut national de l’audiovisuelle bouleversée par le numérique.
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Entretien avec la directrice de la photo d’Annette et de sa première assistante.
• Entretien avec Pauline Bassenne, étalonneuse chez Hiventy
Une autre révolution : l’étalonnage numérique.
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En Inde, l’arrivée du numérique a modifié aussi les façons de concevoir, tourner et de voir les films.
CORRIGER
En salles
• René Clair, cet obscur objet de dédain
• L’Inde méconnue de Mani Kaul
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• Roger Corman à fleur de Poe
Et aussi : John Ford muets, Matador, Freud passion secrète, Ludwig, Hyènes, À la recherche de Garbo, Vous ne l’emporterez pas avec vous, Seul dans la nuit, La Vie criminelle d’Archibald de la Cruz, La Chaîne, Ghost Dog, Birdy, L’Air de Paris, An Amorous Woman of Tang Dynasty, Un de nos avions n’est pas rentré, Les Vampires, Phenomena, La Croisière jaune, Les Grands Espaces, La mort était au rendez-vous, Hamlet
Livres
Along for the Ride, J’avais jadis une belle patrie, The Warriors, Fred Astaire : la haute société du spectacle, Des Ombres et des Lumières, La Seconde Femme : ce que les actrices font à la vieillesse, L’Oeil du cinéma, Mario Soldadi, cinéaste malgré lui
TRAVERSER
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Sugar Man, dix ans après
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Saint Omer, la difficile évocation de l’infanticide
• Le Professionnel de la profession : Bernard Eisenschitz au travail
Entretien avec Bernard Eisenschitz, historien et critique de cinéma
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Comment le conflit yougoslave fut traité au cinéma