LE TERRORISTE (1963) : de la dynamite

Merveille retrouvée d’un cinéma italien ultra-politique, Le Terroriste est l’œuvre de Gianfranco de Bosio, homme de théâtre et cinéaste méconnu ; surtout, ancien résistant et membre des Groupes d’Action Partisane, dont il retranscrit ici l’expérience dans Venise occupée. Un film puissant, approfondissant les enjeux moraux autour de la Résistance et de la notion de terrorisme, à l’actualité irradiante.

LENI RIEFENSTAHL, LA LUMIÈRE ET LES OMBRES, entretien avec le réalisateur Andres Veiel

Le documentariste allemand Andres Veiel consacre un long-métrage à Leni Riefenstahl, la cinéaste-égérie du IIIe Reich qui a marqué l’histoire du cinéma par son rapport à l’esthétique dans Le Triomphe de la volonté (1935) et Les Dieux du stade (1936). On aurait pu croire qu’il n’y avait rien de plus à raconter sur elle et sa personnalité souvent qualifiée « d’ambiguë », mais le réalisateur a eu notamment accès à ses vastes archives, dont de nombreuses inédites, montées avec intelligence dans son film, précisant un portrait qui, justement, n’a rien d’ambigu, et confronte une fascination collective pour une artiste possédant du génie, mais dont la compromission avec le pire donne le vertige.

LA NOIRE DE… d’Ousmane Sembène : Antibes, Dakar, et un porte-avions

La ressortie en salle de La Noire de… d’Ousmane Sembène, en version restaurée 4K, n’est pas seulement un évènement cinéphile ; c’est aussi le geste fort de montrer l’acte de naissance du cinéma africain subsaharien, au lendemain de l’ère coloniale. À travers le portrait d’une employée de maison sénégalaise « ramenée » à Antibes par ses patrons français, Sembène dresse le portrait d’une société contemporaine sinistre, où l’espoir de l’indépendance est vite balayé par le cynisme déprimant imbibant le vieux monde. Le cinéaste livre, à cet égard, un film sublime et puissant, qui 60 ans après sa sortie, ferait bien d’être revu par un certain nombre de personnes.

DRIVER (1978), symphonie en V8

Il y a une dizaine d’années, au moment de la sortie de Drive de Nicolas Winding Refn, son film-matrice, Driver de Walter Hill, sorti en 1978, avait refait parler de lui. Depuis, grâce aux ressorties et rétrospectives, la carrière du cinéaste, ancien scénariste de Peckinpah, a su lui redonner la place qu’il mérite dans le paysage américain des années 1970-80 – son âge d’or (même si quelques manques restent à combler, dont le monumental Sans retour). En attendant, la ressortie de Driver à la fois au cinéma et en vidéo donne à revoir une performance de cinéma minimaliste géniale, hors-du-commun, et avec certainement parmi les meilleures courses-poursuites jamais filmées.

LA COMTESSE AUX PIEDS NUS (1954), Mankiewicz à nu

À mi-chemin dans la carrière de Joseph L. Mankiewicz, La Comtesse aux pieds nus est l’un de ses films les plus singuliers. On l’a souvent mis en miroir avec beaucoup d’autres productions sur l’industrie Hollywoodienne, mais aussi Pandora, sorti la même année, également avec Ava Gardner. Pourtant, il est demeuré un peu à part, même chez son auteur, loin du culte voué à Ève ou du faste délirant de Cléopâtre. Il ressort désormais en vidéo dans une édition Carlotta.

SOLO (1970), l’amertume du monde qui ne bouge pas

Tourné au lendemain de Mai-68, Solo montre une jeunesse dont la seule réponse à l’hypocrisie ambiante des dernières années de De Gaulle est la violence. Trublion inclassable du cinéma français, Jean-Pierre Mocky poursuit, tout au long des années 1960, une esquisse implacable de cette société française coincée, avec Solo comme paroxysme.

JE SUIS UN AVENTURIER (1954), Super Mann

Les cinq westerns qu’Anthony Mann a tourné avec James Stewart ont réfléchi un Ouest âpre, violent et propice aux personnages de sociopathes. Je suis un aventurier, réalisé en 1954, ne déroge pas à la règle, tout en offrant les paysages majestueux du grand Nord et de la frontière avec le Canada.

Filmer la campagne présidentielle : entretien croisé avec Gilles Perret (L’Insoumis), Laurent Cibien (Édouard, mon pote de droite), Mathias Théry et Étienne Chaillou (La Cravate)

La campagne présidentielle de 2017 a été largement filmée, sous presque tous ses aspects, d’Emmanuel Macron, les coulisses de l’Élysée à Un berger à l’Élysée. Parmi tous ces filmeurs, nous avons fait discuter ensemble Gilles Perret ((L’Insoumis), Laurent Cibien (Édouard, mon pote de droite) ainsi que Mathias Théry et Étienne Chaillou ((La Cravate)). Trois manières différentes, trois angles pour une campagne, suivant un candidat de gauche, un porte-parole de candidat aux primaires de droite (bientôt Premier ministre) et un militant d’extrême-droite. Décryptage du pourquoi du comment de l’image politique.

« Je me demandais quelle était ma part de complaisance par rapport à ces images » – Entretien avec Éléonore Weber, réalisatrice d’Il n’y aura plus de nuit

Avec Il n’y aura plus de nuit, le spectateur plonge dans un monde du regard où la caméra est une arme : son documentaire est constitué d’images « opérationnelles » d’hélicoptères de combat sur le « théâtre des opérations ». Ainsi, elle pose des questions fondamentales sur le rapport à la distance, à la fascination, voire même à la complaisances de ces images difficiles. Rencontre avec la cinéaste Éléonore Weber, pour décrypter ce travail rare et précieux.

VIENS ET VOIS (de loin)

La sortie du documentaire d’Éleonore Weber, Il n’y aura plus de nuit, constitué d’images vidéo de caméras d’hélicoptères de combat ayant fuité sur Internet, pose plusieurs questions fascinantes, pour le spectateur, sur le rapport à l’image de la guerre, et la distanciation. Un objet de cinéma hors du commun, paradoxalement constitué d’images non-cinéma, au centre d’une réflexion sur l’image-guerre particulièrement prégnante depuis l’émergence des drones.

Le cinéma policier français en deux livres

Deux ouvrages, sortis à quelques semaines d’écart, reviennent exclusivement sur le cinéma policier hexagonal : l’Encyclopédie du film policier français de Patrick Brion, et Le Cinéma policier français de Jean Ollé-Laprune. Deux approches différentes mais complémentaires d’un genre qui brille par sa disparité, sa densité, et surtout passionnant par son évolution depuis les quasi-débuts du cinéma.

Cinéma de minuit, cinéma de tous temps – Entretien avec Patrick Brion

Il est la voix qui fait vivre depuis près de 45 ans le Cinéma de minuit sur France Télévisions. Patrick Brion, c’est une vie cinéphile, consacrée à montrer des films, faire renaître les grands auteurs, redécouvrir des talents oubliés. Et à cet égard, toute l’aventure de son émission est aussi une question continue : comment montrer du cinéma ? Ou lorsque l’histoire du cinéma vient se confondre avec l’histoire de la télévision.

Miami Vice – Deux hommes dans la ville

Évocation phare de la série américaine des années 1980, Miami Vice (Deux flics à Miami) est une histoire de flics meurtris aux apparences trompeuses. Le film est à revoir à l’aune d’une modernité qu’il a engendré, que ce soit dans le paysage télévisuel et dans la conception du polar. Un moment de grâce faussement kitsch, baigné dans l’univers de son producteur, Michael Mann.

LE TRAIN (1964), l’art de la poursuite selon John Frankenheimer

C’est l’un des films d’action les plus ébouriffants des années 1960, également l’un des chefs-d’œuvre de John Frankenheimer, cinéaste qui a été touché par la grâce l’espace de quelques années. Avec son Burt Lancaster à la gueule burinée, prêt à tout pour empêcher les nazis de dévaliser les réserves du Jeu de Paume, Le Train réfléchit sur la valeur de l’art et le sens du sacrifice. Ou quand Van Gogh et Manet sont prétextes à une course-poursuite ferroviaire des plus hallucinantes.

Les derniers hommes

Alors que deux films post-apocalyptiques devaient prochainement sortir, Sans un bruit 2 de John Krasinski et Light of my Life de Casey Affleck, leur actualité fictive de fin du monde s’est confrontée à la véritable actualité – le film de Krasinski étant d’ailleurs reporté à une date ultérieure. Avec la politique de confinement qui se profile, la question du genre post-apocalyptique se pose de nouveau, pas tant sur l’idée de fin du monde en elle-même que plutôt sur l’après, entre la survie des derniers hommes de l’humanité et l’idée d’un monde nouveau à reconstruire… s’il en vaut la peine

Eastwood à fleur de peau

À bientôt quatre-vingt-dix ans – précisons-le en toutes lettres pour bien s’en rendre compte – Eastwood sort son nouveau film, Le Cas Richard Jewell. De nouveau, il s’est retiré de devant la caméra, faisant de son précédent long-métrage La Mule une ultime borne comme œuvre dans une carrière d’acteur-réalisateur. Et surtout, l’épiphanie de comment Eastwood s’est filmé lui-même, portant sur son visage vieilli cinquante ans d’Amérique.